4090 mètres d’altitude, 20 kilomètres de randonnée, 1500 mètres de dénivelé positif. Ces chiffres vertigineux résument l’ascension du mont Aragats, point culminant de l’Arménie.
Ancien volcan endormi, l’Aragats dévoile un paysage lunaire sculpté par les coulées de lave et les glaciers.
Au cœur du Caucase, cette randonnée unique mêle géologie fascinante, patrimoine millénaire et légendes ancestrales. Des khachkars ornés aux monastères perchés, chaque pas sur ses pentes raconte l’histoire d’un peuple.
L’Aragats n’est pas qu’une montagne, c’est un voyage au sommet de l’âme arménienne.
L’appel du volcan : 40 kilomètres de Erevan au Lac Kari
L’aventure commence sur la route M1, artère vitale reliant Erevan aux contreforts de l’Aragats. Après 40 kilomètres d’ascension et de virages serrés, le Lac Kari apparaît, miroir d’azur à 3200 mètres d’altitude. Ce lac glaciaire marque le point de départ de l’ascension.
Un parking aménagé permet d’y laisser son véhicule en toute sécurité. Avant de s’élancer, le randonneur avisé prendra soin de vérifier son équipement et de remplir ses gourdes à la source proche du lac.
Quatre sommets, quatre défis : la face cachée de l’Aragats
L’Aragats n’est pas une simple montagne, mais un massif complexe aux multiples visages. Quatre sommets principaux le composent, chacun offrant un défi unique :
- Le pic Nord (4090m) : le plus haut et le plus technique
- Le pic Ouest (3995m) : réputé pour ses passages vertigineux
- Le pic Est (3908m) : moins fréquenté, idéal pour l’observation de la faune
- Le pic Sud (3879m) : le plus accessible, parfait pour une première ascension
Le choix du sommet dépendra de votre niveau technique, de votre condition physique et du temps dont vous disposez. Quelle que soit votre décision, l’Aragats vous réserve une expérience inoubliable.
Le sentier du sud : 11,4 kilomètres entre terre et ciel
Pour une première approche de l’Aragats, le pic Sud offre l’itinéraire idéal. Long de 11,4 kilomètres aller-retour, ce sentier bien balisé s’élève progressivement à travers les prairies alpines. Le dénivelé de 681 mètres reste abordable pour un randonneur en bonne condition physique.
Comptez environ 4 à 5 heures pour l’ascension, en prenant le temps d’admirer les panoramas qui se dévoilent à chaque tournant.
À mi-parcours, une zone de repos naturelle offre un abri bienvenu contre les vents d’altitude.
C’est l’occasion de reprendre des forces et d’observer les oiseaux alpins qui nichent dans les rochers environnants. Les derniers hectomètres jusqu’au sommet deviennent plus techniques, avec un sol instable composé de roches volcaniques. La prudence est de mise, mais la récompense est à la hauteur de l’effort : une vue à 360° sur l’Arménie et, par temps clair, jusqu’au mythique mont Ararat.
L’épreuve du nord : 8 heures d’ascension pour le toit de l’Arménie
Pour les randonneurs aguerris en quête de défi, le pic Nord représente l’ultime conquête. Cette ascension exigeante demande une préparation minutieuse et une excellente condition physique. Le sentier, peu marqué, nécessite une navigation précise à l’aide d’un GPS.
Le dénivelé positif de 1500 mètres se fait sentir à chaque pas, l’air se raréfiant à mesure que l’altitude augmente.
À partir de 3500 mètres, le paysage devient lunaire. Les derniers vestiges de végétation laissent place à un désert minéral où seuls quelques lichens parviennent à survivre. Les 500 derniers mètres sont les plus techniques, avec des passages exposés nécessitant l’usage des mains.
Au sommet, à 4090 mètres, le panorama est simplement vertigineux. Par temps clair, on aperçoit les sommets du Caucase géorgien au nord et les contreforts de l’Iran au sud.
« Quand j’atteins le sommet nord de l’Aragats, je me sens à la fois minuscule face à l’immensité du paysage et immensément privilégié d’être là. C’est une expérience qui vous marque à vie. »
Au cœur du cratère : la danse des glaciers et de la lave
L’une des particularités fascinantes de l’Aragats est la présence d’un glacier résiduel dans son cratère principal.
Ce vestige de l’ère glaciaire, niché à plus de 3800 mètres d’altitude, offre un spectacle saisissant. Les randonneurs expérimentés peuvent s’aventurer jusqu’à ses abords, mais la plus grande prudence est de mise. Les crevasses et les ponts de neige instables représentent un danger réel.
Autour du glacier, les coulées de lave pétrifiées racontent l’histoire volcanique tumultueuse de l’Aragats.
Les géologues y trouvent un terrain d’étude passionnant, tandis que les photographes s’émerveillent devant les jeux de lumière sur ces formations minérales aux formes torturées. Pour les plus chanceux, il est possible d’observer des cristaux de quartz et d’obsidienne incrustés dans la roche volcanique.
La pierre et l’esprit : khachkars et monastères sur les flancs de l’Aragats

L’ascension de l’Aragats n’est pas qu’une expérience physique, c’est aussi un voyage spirituel au cœur de la culture arménienne. Les flancs de la montagne sont jalonnés de khachkars, ces croix de pierre finement sculptées, témoins silencieux d’une foi millénaire.
Certaines de ces stèles datent du 10ème siècle et sont classées au patrimoine mondial de l’UNESCO.
À mi-chemin entre le Lac Kari et le sommet Sud, le monastère de Tegher offre une halte contemplative. Fondé au 13ème siècle, ce complexe en pierre volcanique semble fusionner avec la montagne. Ses murs épais offrent un havre de fraîcheur bienvenu en été. Pour ceux qui souhaitent prolonger l’expérience, il est possible de passer la nuit dans l’ancien réfectoire du monastère, transformé en gîte rustique.
Quand la science touche les étoiles : l’observatoire de Byurakan
Sur les pentes inférieures de l’Aragats, à 1405 mètres d’altitude, se dresse l’observatoire astrophysique de Byurakan. Fondé en 1946 par Victor Ambartsumian, ce centre de recherche est réputé pour ses découvertes sur les étoiles en formation. Les randonneurs peuvent y faire une halte fascinante avant ou après leur ascension.
Des visites guidées sont organisées en journée, permettant de découvrir les puissants télescopes et d’en apprendre davantage sur l’histoire de l’astronomie arménienne. Pour les plus passionnés, des séances d’observation nocturne sont proposées sur réservation. Observer la voie lactée depuis les flancs de l’Aragats est une expérience qui restera gravée dans les mémoires.
La légende d’Ara le Beau : quand le mythe épouse la montagne

L’Aragats n’est pas seulement un géant de pierre, c’est aussi le théâtre d’une des légendes les plus célèbres d’Arménie : celle d’Ara le Beau. Selon la tradition, ce roi arménien aurait repoussé les avances de la reine assyrienne Sémiramis. Furieuse, celle-ci aurait déclenché une guerre, au cours de laquelle Ara fut tué. Inconsolable, Sémiramis aurait alors déposé le corps d’Ara au sommet de l’Aragats, espérant que les esprits de la montagne le ramèneraient à la vie.
Cette légende imprègne chaque recoin de l’Aragats. Les guides locaux se plaisent à la raconter aux randonneurs, pointant du doigt les formations rocheuses censées représenter les protagonistes de l’histoire. Certains affirment même qu’au crépuscule, on peut apercevoir l’ombre d’Ara errant sur les pentes de la montagne.
Bivouac sous les étoiles : une nuit au cœur de l’Aragats
Pour ceux qui souhaitent vivre pleinement l’expérience de l’Aragats, le bivouac près du Lac Kari est une option à considérer. À 3200 mètres d’altitude, les nuits sont fraîches même en été, mais le spectacle céleste vaut largement quelques frissons.
L’absence de pollution lumineuse permet d’observer des milliers d’étoiles et la voie lactée dans toute sa splendeur.
Le camping sauvage est toléré, mais il est important de respecter quelques règles de base : choisir un emplacement à l’écart des zones sensibles, ne pas faire de feu et remporter tous ses déchets. Pour ceux qui préfèrent un minimum de confort, des yourtes traditionnelles peuvent être louées près du lac, offrant un abri chaleureux et une expérience culturelle unique.
« Passer une nuit près du Lac Kari, c’est comme dormir sur le toit du monde. Le silence est absolu, seulement rompu par le murmure du vent. Au petit matin, voir le soleil se lever sur l’Aragats est un moment de pure magie. »
La faune et la flore de l’Aragats : un écosystème unique
Malgré son apparence austère, l’Aragats abrite une biodiversité surprenante, adaptée aux conditions extrêmes d’altitude. Dans les prairies alpines qui entourent le Lac Kari, on peut observer une profusion de fleurs endémiques comme l’edelweiss arménien (Gnaphalium supinum) ou la gentiane de Kuznetsov (Gentiana septemfida).
La faune, bien que discrète, est présente à tous les étages de la montagne. Les marmottes sifflent à l’approche des randonneurs tandis que les aigles royaux planent majestueusement au-dessus des crêtes. Avec de la chance et de la patience, il est possible d’apercevoir des bouquetins du Caucase sur les pentes rocheuses les plus escarpées.
Au-delà de 3500 mètres, la vie se fait plus rare mais non moins fascinante. Des lichens aux couleurs surprenantes colonisent les roches volcaniques, créant des tableaux abstraits naturels. Quelques insectes spécialisés, comme le papillon apollon (Parnassius apollo), parviennent à survivre à ces altitudes extrêmes.
Préparation et sécurité : les clés d’une ascension réussie
L’ascension de l’Aragats, bien que techniquement accessible, ne doit pas être prise à la légère. La haute altitude et les conditions météorologiques changeantes exigent une préparation minutieuse :
- Équipement : chaussures de randonnée robustes, vêtements chauds et imperméables, chapeau, crème solaire, lunettes de soleil
- Matériel : carte, boussole, GPS, bâtons de marche (recommandés)
- Ravitaillement : eau en quantité suffisante (min. 2L/personne), barres énergétiques, fruits secs
- Sécurité : téléphone portable chargé, numéro d’urgence (112), trousse de premiers secours
Il est fortement recommandé de ne pas partir seul et d’informer un tiers de votre itinéraire et de votre heure de retour prévue. Pour les sommets Nord et Ouest, l’accompagnement d’un guide expérimenté est vivement conseillé.
L’Aragats au fil des saisons : quand partir ?
Chaque saison offre une expérience unique sur l’Aragats, mais toutes ne sont pas propices à l’ascension :
- Été (juin à septembre) : La meilleure période pour l’ascension. Températures clémentes, sentiers dégagés.
- Automne (octobre) : Couleurs spectaculaires, mais risque de neige précoce. Équipement hivernal nécessaire.
- Hiver (novembre à avril) : Réservé aux alpinistes expérimentés. Conditions extrêmes, risque d’avalanche.
- Printemps (mai) : Fonte des neiges, paysages verdoyants. Certains sentiers peuvent être impraticables.
Quelle que soit la saison, il est impératif de consulter les prévisions météorologiques locales avant de s’engager dans l’ascension. Les orages peuvent se développer rapidement en montagne, rendant les conditions dangereuses.
L’Aragats demain : entre préservation et développement
L’avenir de l’Aragats est au cœur de débats passionnés en Arménie. D’un côté, la volonté de préserver cet environnement unique et fragile. De l’autre, des projets de développement touristique, notamment autour du ski. Le projet de station de Myler Mountain Resort, bien qu’éloigné du massif principal, soulève des questions sur l’impact à long terme du tourisme de masse sur l’écosystème de l’Aragats.
Des initiatives de tourisme durable voient le jour, comme la création de sentiers thématiques autour de la géologie et de l’astronomie. L’objectif est de sensibiliser les visiteurs à la richesse et à la fragilité de ce patrimoine naturel exceptionnel. Pour l’heure, l’Aragats reste un havre de paix pour les amoureux de nature sauvage et d’aventure authentique.
Conquérir l’Aragats : le début ou la fin du voyage ?
L’ascension de l’Aragats est bien plus qu’une simple randonnée. C’est un voyage au cœur de l’histoire géologique et culturelle de l’Arménie. Chaque pas sur ses pentes est une leçon de persévérance, chaque panorama une invitation à l’émerveillement.
Que vous choisissiez de gravir son plus haut sommet ou de flâner autour du Lac Kari, l’Aragats laissera en vous une empreinte indélébile.
Alors, êtes-vous prêt à relever le défi de l’Aragats ?
À vous de décider si cette ascension marquera le point culminant de votre séjour en Arménie ou le début d’une exploration plus approfondie de ce pays fascinant. Une chose est sûre : une fois que vous aurez goûté à l’air pur des sommets arméniens, vous n’aurez qu’une envie, y retourner.
Pour approfondir vos connaissances sur la randonnée en haute montagne et préparer au mieux votre ascension, n’hésitez pas à consulter nos guides pratiques :
- Randonnées extrêmes : se préparer aux défis de haute montagne
- Randonner en altitude : acclimatation et sécurité
- Choisir son GPS de randonnée : guide complet
- Gestion de l’eau en randonnée : techniques et astuces
- Comment randonner sur de grandes distances : préparation et endurance
L’Aragats vous attend. À vous d’écrire votre propre légende sur les pentes de ce géant arménien.





