20,2 kilomètres de paysages lunaires, 765 mètres de dénivelé positif et un point culminant à 1868 mètres d’altitude : bienvenue sur le Tongariro Alpine Crossing, considéré comme l’une des plus belles randonnées d’une journée au monde.
Ce sentier emblématique traverse le parc national de Tongariro, premier site néo-zélandais classé au patrimoine mondial de l’UNESCO pour ses valeurs naturelles et culturelles.
Entre lacs émeraude, cratères fumants et montagnes sacrées, cette traversée alpine offre une immersion unique dans l’histoire géologique et spirituelle de la Nouvelle-Zélande.
Dans les pas de Ngatoroirangi : l’héritage sacré du Tongariro
Le Tongariro Alpine Crossing n’est pas qu’une simple randonnée, c’est un voyage au cœur de la culture maorie. Le parc national de Tongariro, créé en 1894, est le fruit d’un accord historique entre les autorités maories et le gouvernement britannique. Ce partenariat visait à protéger le territoire sacré de Ngāti Tuwharetoa, la tribu locale.
Ngatoroirangi, l’ancêtre fondateur de Ngāti Tuwharetoa, a tracé l’histoire de cette région il y a plus de 30 générations. La légende raconte qu’il invoqua le feu divin pour se réchauffer lors de son ascension du Tongariro, créant ainsi les volcans de la région. Le nom même de Tongariro évoque le vent glacial du sud qui faillit le tuer durant son périple.
« Chaque pas sur le Tongariro Alpine Crossing est un pas dans notre histoire. Ces montagnes sont nos ancêtres, et les lacs leurs larmes. Nous demandons aux visiteurs de les respecter comme ils respecteraient leurs propres aïeux. »
De Mangatepopo à Soda Springs : les premiers pas dans le monde volcanique
Le sentier débute au parking de Mangatepopo (1120 m), accessible en navette depuis National Park Village. Les 4 premiers kilomètres traversent la vallée de Mangatepopo, offrant une introduction en douceur au paysage volcanique.
Le chemin, bien balisé, serpente entre les coulées de lave anciennes et les formations rocheuses sculptées par l’érosion.
Après environ 1h30 de marche, un court détour de 600 mètres (aller-retour) mène aux Soda Springs, une petite cascade aux eaux minérales.
C’est le dernier point d’eau naturel du parcours, mais attention : l’eau n’est pas potable en raison de sa composition volcanique.
Équipement recommandé pour cette section :
- Chaussures de randonnée robustes
- Vêtements adaptés aux changements rapides de météo
- Au moins 2 litres d’eau par personne
- Crème solaire et chapeau (l’exposition est forte, même par temps couvert)
L’ascension du « Devil’s Staircase » : 1h de défi vers South Crater
Après Soda Springs, le véritable défi commence. Le « Devil’s Staircase » (l’escalier du diable) est une montée raide de 200 mètres de dénivelé sur 1 kilomètre. Des marches aménagées facilitent la progression, mais le rythme ralentit considérablement. Cette section demande une bonne condition physique et peut prendre jusqu’à une heure.
L’effort est récompensé par des vues de plus en plus spectaculaires sur la vallée de Mangatepopo et le mont Ngauruhoe (2287 m). Ce cône volcanique parfait, surnommé « Mont Doom » dans la trilogie du Seigneur des Anneaux, domine le paysage.
« Le Devil’s Staircase est un test mental autant que physique. Je conseille toujours aux randonneurs de prendre leur temps, de faire des pauses régulières pour admirer le paysage qui s’ouvre. C’est en levant les yeux qu’on trouve la motivation pour continuer. »
South Crater : une traversée lunaire de 1,5 km
Au sommet du Devil’s Staircase, le sentier s’aplanit pour traverser South Crater.
Cette vaste étendue plate de 1,5 km offre un paysage lunaire saisissant. Le sol, composé de cendres et de scories volcaniques, crisse sous les pas. Par temps clair, la vue porte jusqu’au mont Taranaki à l’ouest.
Malgré son nom, South Crater n’est pas un véritable cratère mais une vallée glaciaire remplie de dépôts volcaniques.
C’est un endroit idéal pour une pause, à l’abri relatif du vent. Attention cependant : il n’y a aucune protection contre le soleil ou les intempéries.
Faune et flore de l’étage alpin :
- Végétation rase adaptée aux conditions extrêmes
- Celmisies, pimelées et gentianes (floraison estivale)
- Possibilité d’observer le rare kea, perroquet de montagne
Red Crater : le point culminant à 1868 mètres d’altitude
L’ascension finale vers Red Crater est la partie la plus technique du parcours. Sur 1,5 km, le sentier grimpe de 200 mètres de dénivelé sur un terrain instable de scories volcaniques. Des câbles métalliques sont installés pour sécuriser les passages les plus exposés.
Au sommet, à 1868 mètres d’altitude, le panorama à 360° est à couper le souffle. Le Red Crater, aux parois rougeoyantes, témoigne de l’activité volcanique récente. Par temps clair, on aperçoit le lac Taupo au nord et les sommets du Ruapehu au sud.
Sécurité au sommet :
- Rester sur le sentier balisé (risque de fumerolles et sols instables)
- Se méfier des vents violents, surtout près des bords du cratère
- Prévoir des vêtements chauds (la température peut chuter rapidement)
Les Emerald Lakes : joyaux turquoise dans un écrin volcanique
La descente depuis Red Crater vers les Emerald Lakes est l’un des moments les plus spectaculaires du parcours. Sur 1 kilomètre, le sentier perd 300 mètres d’altitude sur un terrain meuble et glissant. La prudence est de mise, surtout par temps humide.
Les Emerald Lakes (Ngā Rotopounamu) tirent leur couleur turquoise unique des minéraux dissous d’origine volcanique. Ces trois petits lacs forment un contraste saisissant avec les tons ocre et gris du paysage environnant. C’est un lieu idéal pour une pause déjeuner, à condition de respecter quelques règles essentielles.
« Les Emerald Lakes sont un trésor fragile. Nous demandons aux randonneurs de ne pas s’en approcher de trop près, de ne pas se baigner et surtout de ne rien laisser derrière eux. Ces eaux sont sacrées pour notre peuple et cruciales pour l’écosystème local. »
Règles de respect des Emerald Lakes :
- Ne pas toucher ou entrer dans l’eau (site sacré maori)
- Rester sur les sentiers balisés pour éviter l’érosion
- Emporter tous ses déchets
- Éviter le bruit excessif (zone de nidification pour certaines espèces)
Blue Lake : le miroir sacré du ciel de Tongariro
Après les Emerald Lakes, le sentier remonte légèrement sur 1 kilomètre pour atteindre Blue Lake (Te Wai Whakaata o Te Rangihiroa). Ce lac au bleu profond, niché à 1725 mètres d’altitude, est considéré comme particulièrement sacré par les Maoris.
Son nom signifie « le miroir réfléchissant de Rangihiroa », un ancien chef maori.
Le lac, d’origine volcanique, est alimenté uniquement par les eaux de fonte et de pluie. Sa couleur varie du bleu clair au bleu-vert selon les conditions. Il est strictement interdit de s’y baigner ou même de toucher l’eau.
Faune observable autour de Blue Lake :
- Karearea (faucon de Nouvelle-Zélande)
- Pipit de Nouvelle-Zélande
- Gecko bijou (rare, actif surtout la nuit)
La descente vers Ketetahi : entre fumerolles et forêt native
Les 6 derniers kilomètres du Tongariro Alpine Crossing offrent une descente progressive de 1125 mètres de dénivelé négatif. Le sentier serpente d’abord entre les fumerolles des Ketetahi Hot Springs, rappelant l’activité géothermique toujours présente.
Progressivement, la végétation se fait plus dense. Les prairies alpines laissent place à une forêt de hêtres de montagne (Nothofagus solandri). Cette transition écologique est fascinante à observer. Des panneaux explicatifs jalonnent le parcours, détaillant la flore endémique et son adaptation aux conditions extrêmes.
Points d’intérêt sur la descente :
- Ketetahi Shelter (refuge d’urgence, à 6 km de l’arrivée)
- Vue panoramique sur le lac Rotoaira et le lac Taupo
- Forêt de hêtres abritant des espèces d’oiseaux endémiques
Logistique et préparation : les clés d’une randonnée réussie
Le Tongariro Alpine Crossing est une randonnée exigeante qui nécessite une préparation minutieuse. La durée moyenne est de 6 à 8 heures, mais peut s’allonger selon les conditions et le niveau des randonneurs.
Transport et accès :
- Navettes obligatoires depuis National Park Village ou Whakapapa (réservation conseillée)
- Parking limité et payant à Mangatepopo en haute saison
- Premier départ des navettes vers 6h, dernier retour vers 18h (varie selon la saison)
Équipement essentiel :
- Chaussures de randonnée montantes et imperméables
- Vêtements adaptés (couches techniques, coupe-vent, polaire)
- Minimum 2L d’eau par personne, nourriture énergétique
- Crème solaire, lunettes de soleil, chapeau
- Carte, boussole ou GPS (la couverture réseau est limitée)
- En hiver : crampons et piolet (obligatoires de juin à octobre)
Quand partir ? Les secrets d’un timing parfait
La meilleure période pour effectuer le Tongariro Alpine Crossing s’étend de novembre à avril. Les jours sont plus longs, les températures plus clémentes et les risques météorologiques moindres. Cependant, c’est aussi la période la plus fréquentée.
Pour une expérience plus intime, envisagez les « épaules de saison » (octobre et mai). Les conditions peuvent être plus changeantes, mais la fréquentation est moindre et les paysages souvent magnifiés par les premières ou dernières neiges.
Conseils de timing :
- Départ tôt le matin (avant 8h) pour éviter les foules et la chaleur
- Prévoir une marge de sécurité pour le retour (dernière navette vers 16h-18h selon la saison)
- Vérifier les prévisions météo la veille et le matin même du départ
Le Tongariro Alpine Crossing en hiver : une autre dimension
De juin à octobre, le Tongariro Alpine Crossing se transforme en une véritable aventure alpine. La neige et la glace recouvrent le parcours, offrant des paysages d’une beauté cristalline. Cependant, cette période exige une préparation et un équipement spécifiques.
Spécificités de la randonnée hivernale :
- Crampons et piolet obligatoires (location possible dans les villages alentour)
- Expérience en alpinisme recommandée
- Guide fortement conseillé pour les non-initiés
- Journées plus courtes : prévoir 8 à 10 heures de marche
- Risque d’avalanche à surveiller (consulter les bulletins locaux)
« Le Tongariro en hiver, c’est comme entrer dans un autre monde. La neige transforme le paysage, le silence est presque palpable. Mais ce n’est pas une randonnée à prendre à la légère. La préparation et l’équipement sont cruciaux pour votre sécurité. »
Tongariro Alpine Crossing : une randonnée responsable est-elle possible ?
Le Tongariro Alpine Crossing attire chaque année des milliers de randonneurs du monde entier. Cette popularité croissante soulève des questions sur la préservation de cet environnement unique et culturellement sensible. En tant que randonneur, adopter une approche responsable est crucial.
Respectez scrupuleusement les consignes des gardes du parc, restez sur les sentiers balisés et emportez tous vos déchets. Considérez également de visiter en basse saison ou d’explorer les sentiers moins fréquentés du parc national de Tongariro. Ainsi, vous contribuerez à préserver ce joyau naturel et culturel pour les générations futures, tout en vivant une expérience authentique au cœur de l’un des paysages les plus spectaculaires de Nouvelle-Zélande.
Que vous soyez attiré par les défis alpins, fasciné par la géologie volcanique ou en quête d’une connexion spirituelle avec la terre maorie, le Tongariro Alpine Crossing vous offrira une journée inoubliable. Préparez-vous bien, respectez la montagne et ses gardiens, et laissez-vous emporter par la magie de ce lieu unique au monde.






