2810 mètres d’altitude, 55 kilomètres de sentiers sauvages, 8 jours d’immersion totale.
L’ascension du Mont Roraima dans la Gran Sabana vénézuélienne est un défi qui marque les esprits.
Ses falaises vertigineuses de grès rose dominent un océan de nuages, tandis que son plateau sommital abrite un écosystème unique au monde.
Bienvenue dans le royaume des tepuis, ces montagnes tabulaires sacrées pour le peuple Pemon.
Le réveil de Paraitepuy : premiers pas vers l’inconnu
Le trek débute au village de Paraitepuy (5.1935°N, 60.8002°W), à 1200 mètres d’altitude. Dès l’aube, l’air frais de la savane s’emplit des chants d’oiseaux tropicaux.
Le sentier s’enfonce dans une végétation luxuriante, alternant prairies dorées et forêts-galeries. Les premiers kilomètres sont faciles, offrant une mise en jambes progressive sur un dénivelé doux.
Après 6 km, le Rio Tek apparaît.
Sa traversée à gué marque la première difficulté technique du parcours. Les eaux cristallines peuvent monter jusqu’aux genoux en saison des pluies. Un bâton de marche s’avère précieux pour garder l’équilibre sur les galets glissants.
Sous l’œil des tepuis : la traversée de la savane
La savane s’étend à perte de vue, ponctuée de broméliacées aux couleurs vives.
Au loin, les silhouettes imposantes des tepuis Kukenán et Roraima se dessinent. Leur masse sombre contraste avec le ciel d’un bleu intense.
Cette section de 12 km offre peu de dénivelé mais exige une bonne endurance. Le soleil tropical peut être implacable, rendez-vous au km 10 pour un ravitaillement à la rivière Kukenán.
La faune se fait discrète, mais les chanceux pourront apercevoir des troupeaux de cerfs des savanes ou le vol majestueux des aras.
Les Pemon nomment cette zone « Tek-Aru », la terre des esprits. Le silence qui y règne invite à la contemplation.
Le défi de la « pente des larmes » : l’ascension commence
Au pied du Roraima, le sentier change brutalement de physionomie. Le « Paso de las Lágrimas » démarre à 1800 mètres d’altitude et grimpe sur 3 km pour un dénivelé positif de 600 mètres. La pente, parfois supérieure à 45°, serpente entre les rochers.
Le terrain devient glissant, surtout par temps humide. Les chaussures à crampon souple sont indispensables.
Cette section exigeante physiquement et techniquement offre des points de vue époustouflants sur la vallée en contrebas. Des paliers naturels permettent des pauses régulières. Attention aux chutes de pierres, fréquentes sur ce passage.
« Le Paso de las Lágrimas, c’est le moment de vérité. J’ai vu des randonneurs aguerris rebrousser chemin. Mais ceux qui persévèrent sont récompensés par un spectacle unique : la brume qui s’accroche aux falaises, créant un monde entre ciel et terre. »
L’arrivée sur le toit du monde : le plateau du Roraima
À 2700 mètres d’altitude, le sentier débouche sur le plateau sommital du Roraima. Le paysage lunaire qui s’offre aux yeux des randonneurs est saisissant. Des formations rocheuses étranges, sculptées par l’érosion, se dressent dans la brume.
Le sol est tapissé de plantes carnivores et d’orchidées endémiques.
L’exploration du plateau (environ 5 km) demande vigilance et respect de l’environnement fragile.
Le balisage est quasi-inexistant, un guide local est indispensable pour ne pas se perdre dans ce labyrinthe minéral. Les températures peuvent chuter drastiquement, prévoyez des vêtements chauds et imperméables.
Le « Valle de los Cristales » : un trésor géologique à ciel ouvert
Au cœur du plateau, le « Valle de los Cristales » offre un spectacle unique. Sur 2 km, le sol est jonché de cristaux de quartz aux formes parfaites.
Ces formations géologiques, vieilles de plusieurs millions d’années, brillent sous les rares rayons de soleil qui percent la brume.
La marche y est délicate, entre les flaques d’eau et les rochers glissants. Observez mais ne prélevez rien : ce site est protégé et sacré pour les Pemon.
C’est ici que l’on peut apercevoir le minuscule crapaud noir du Roraima, une espèce endémique en danger critique d’extinction.
La descente : entre technique et contemplation
Le retour emprunte le même itinéraire. La descente du « Paso de las Lágrimas » est particulièrement technique. Les 600 mètres de dénivelé négatif mettent les genoux à rude épreuve. L’utilisation de bâtons est vivement recommandée. Par temps sec, le sol peut être poussiéreux et glissant.
Profitez de cette descente pour observer la végétation qui change progressivement.
Les plantes carnivores laissent place aux broméliacées, puis aux arbres de la forêt-galerie. Au loin, la savane s’étend à nouveau, baignée dans la lumière dorée du soleil couchant.
Nuits magiques sous les étoiles de la Gran Sabana
Les nuits en bivouac sont une expérience à part entière. Au camp de base (5.1405°N, 60.7605°W), à 1800 mètres d’altitude, le ciel nocturne offre un spectacle grandiose. La pollution lumineuse inexistante permet d’observer la Voie Lactée dans toute sa splendeur.
Les températures peuvent descendre sous les 10°C. Un sac de couchage confortable est indispensable. Les feux de camp sont strictement interdits pour préserver l’écosystème fragile. Profitez de ces moments pour écouter les légendes Pemon que votre guide partagera peut-être autour d’une infusion de plantes locales.
« Chaque nuit sur le Roraima est différente. Parfois, le brouillard enveloppe tout, créant une atmosphère mystique. D’autres fois, le ciel est si clair qu’on a l’impression de pouvoir toucher les étoiles. C’est dans ces moments-là qu’on comprend pourquoi nos ancêtres considéraient ces montagnes comme sacrées. »
Rencontres avec le peuple des nuages : l’héritage Pemon
Le trek du Roraima est aussi une immersion dans la culture Pemon. Ces gardiens de la Gran Sabana perpétuent des traditions millénaires.
À Paraitepuy, prenez le temps d’échanger avec les habitants. Leur connaissance de l’environnement est inestimable pour comprendre l’écosystème unique de la région.
Les guides Pemon sont plus que de simples accompagnateurs. Ils sont les dépositaires de légendes ancestrales qui donnent vie à chaque rocher, chaque cascade. Écoutez leurs récits sur le « Makunaima », l’esprit créateur qui aurait façonné les tepuis.
Préparation et logistique : les clés d’un trek réussi
La préparation est cruciale pour ce trek exigeant. Voici les points essentiels :
- Période optimale : décembre à avril (saison sèche)
- Durée : 6 à 8 jours
- Difficulté : difficile (bonne condition physique requise)
- Équipement : chaussures de randonnée robustes, vêtements techniques, sac de couchage -5°C, tente 3 saisons
- Ravitaillement : nourriture lyophilisée, purificateur d’eau
- Guide : obligatoire, à réserver auprès d’agences agréées
- Permis : nécessaire, à obtenir auprès d’Inparques
L’acclimatation à l’altitude est importante. Prévoyez au moins une journée à Santa Elena de Uairén (900m) avant de débuter le trek. Les fichiers GPX sont disponibles auprès des agences locales, mais ne remplacent pas l’expertise d’un guide.
Au-delà du Roraima : les autres joyaux de la Gran Sabana
Si le Roraima est l’emblème de la Gran Sabana, d’autres randonnées méritent le détour :
- La Quebrada de Jaspe : 2 km de randonnée facile vers une cascade sur lit de jaspe rouge
- Le Salto Aponwao : 9 km de trek modéré incluant une traversée en pirogue
- Le Yuruani Tepui : 12 km de randonnée technique offrant des vues spectaculaires
Chaque itinéraire a ses spécificités en termes de difficulté, de faune et de flore. Consultez les guides locaux pour choisir le parcours le plus adapté à votre niveau et vos attentes.
La Gran Sabana, un paradis menacé ?
Le trek du Roraima est une expérience transformatrice. Il offre bien plus qu’un simple défi sportif : c’est une plongée dans un écosystème unique et une culture millénaire.
Cependant, cet environnement fragile fait face à des menaces croissantes : changement climatique, tourisme non régulé, projets miniers.
En tant que randonneur responsable, votre rôle est crucial. Respectez scrupuleusement les consignes de votre guide, ne laissez aucune trace de votre passage, et partagez votre expérience pour sensibiliser d’autres voyageurs à la préservation de ce joyau naturel.
La Gran Sabana n’attend que vous pour révéler ses secrets. Êtes-vous prêt à relever le défi et à vivre une aventure qui marquera votre vie de randonneur ?